Le site du Choquequirao est considéré par certains comme la petite sœur du Machu Picchu mais c’est un des sites incas les moins visités de la vallée sacrée. On ne peut y accéder qu’à pieds après plusieurs jours de marche… intense. Qu’à cela ne tienne, nous n’avons pas fait de trek digne de ce nom depuis le Chili et nous sommes curieux de découvrir ces vestiges incas.
Le 13 octobre, à peine arrivés à Cusco, nous allons louer du matériel de randonnée. N’ayant pas prévu de guide pour ces 4 jours de marche nous avons besoin de l’équipement complet : tente, réchaud, casserole,… Une virée au supermarché pour acheter du riz, de la soupe en sachet et de la polenta et nous nous retrouvons dans notre chambre à l’auberge en train d’organiser nos sacs à dos pour cette “expédition”. Louis-Alban prend son grand sac et y range la tente, les matelas, les sacs de couchage et deux tee-shirts et je mets le reste dans mon petit sac à dos.
Nous avons la surprise de rencontrer à l’auberge Evelyne et Jacques, un couple d’ami de Maman et Papa, qui rentrent du Machu Picchu. Le monde est vraiment petit ! Nous échangeons sur nos expériences respectives et très similaires en Bolivie et au Pérou et nous récupérons leurs ponchos qui s’avéreront indispensables ! Merci encore Evelyne et Jacques !
Départ à 5h le lendemain matin. Un taxi nous amène à la gare de bus située hors de la ville et, après 3h de trajet, le bus nous dépose à un embranchement où nous sommes censés prendre un autre taxi pour arriver au point de départ du trek. Nous sommes 6 à descendre du bus, 3 trekkeurs argentins, un vieux monsieur du coin et nous. Nous nous regroupons, perplexes, autour du seul taxi garé au bord de la route. Nous sommes dimanche et il n’y aura pas d’autre taxi… Après de longues discussions avec le chauffeur, il finit par accepter que nous montions tous dans sa petite voiture. 4 à l’arrière et 2 devant, le plus petit trekkeur argentin s’assoit à moitié sur les genoux du papi péruvien qui rigole bien de la situation. Nous arrivons au col de Capulyioc après une bonne heure de route en lacets à flanc de montagne. Il est environ 10h30, c’est parti pour le trek du Choquequirao !
Cette première journée est difficile. Nous descendons 1500 mètres de dénivelé sur une dizaine de kilomètres en 4 heures. Le paysage est magnifique mais il est difficile d’en profiter en marchant. Le chemin est caillouteux et glissant ce qui fait que nous passons beaucoup de temps le nez rivé sur nos pieds. Il ne me faut pas plus de 3h pour casser un de mes bâtons de marche en tombant. C’est un peu rapide vu le chemin qu’il nous reste à parcourir… Le temps est changeant, il fait chaud puis il se met à pleuvioter. On ne sait pas trop ce qui est le mieux.
Une fois la montagne descendue, nous traversons un pont chancelant pour grimper la montagne en face : 1000 mètres de dénivelé positif sur 3 kilomètres… Après environ 3h30 heures de montée abrupte, sous la pluie, sur un chemin pire que celui de la descente, à la tombée de la nuit, dans une bonne humeur qui commence à décliner, nous arrivons à Santa Rosa Baja. Il fait nuit, on est exténués. L-A a l’impression de porter un sac de pierres et je n’ai qu’une envie c’est de faire diminuer notre stock de nourriture pour m’alléger. Une vieille dame nous accueille. Elle habite ici avec son mari, son fils, son chat et un chiot de quelques semaines appelé Flan ! Elle propose aux randonneurs un espace pour planter leur tente et le dîner. Deux couples de marcheurs sont déjà attablés. Nous réussissons brillamment et rapidement à monter la tente à la lumière de nos frontales avant de nous atteler à la préparation du dîner. Je crois que l’on ne s’était même pas posé la question de savoir si on pourrait trouver à manger sur le chemin. Ça nous aurait évité des kilos sur le dos mais on se persuade que notre solution est meilleure car plus économique. Nous engloutissons soupe et polenta en discutant joyeusement avec nos hôtes et les autres trekkeurs. Tout le monde a trouvé cette journée éreintante et nous ne tardons pas à nous retirer dans nos tentes respectives. La nôtre est minuscule. Nous tenons juste allongés autant en longueur qu’en largeur. Le reste du matériel et nos sacs finissent posés sur nous. On a connu plus confortable mais la fatigue l’emporte et nous dormons comme des loirs.
Après un réveil aux aurores et un petit-déjeuner sommaire, nous repartons à l’assaut de la montagne. Il nous faut encore monter 600 mètres de dénivelé sur 5 kilomètres pour atteindre le village de Marampata niché au cœur de la vallée. Une heure environ après avoir commencé notre marche, nous croisons en sens inverse notre hôte et son fils qui eux descendent sans problème en trottinant… La pluie tombe dru. Le moral est bas. Heureusement, un pas après l’autre, nous finissons par arriver dans ce minuscule hameau où les maisons sont construites à flanc de montagne. Ces gens sont vraiment coupés de tout. Hors la marche, le seul moyen de transport est le cheval. Heureusement, le chemin qui passe dans le village est plat et au détour d’un lacet nous voyons enfin les premières ruines. Même si elles paraissent loin et que nous étions persuadés que le Choquequirao était au pied du village, c’est déjà une première victoire ! Nous payons les droits d’entrée dans le site et repartons pour ce que nous pensons être une petite heure de marche tranquille.
Deux heures et demie et environ 5 kilomètres de dénivelé positif et négatif plus tard, nous arrivons en nage au camping du site en maudissant le guichetier qui nous a assuré que nous en aurions pour environ 40 minutes. Bien sûr, on sait que 40 minutes pour quelqu’un qui habite depuis plus de 30 ans en haut d’une montagne ça veut dire trois fois plus de temps pour nous. Mais nous pensions qu’il avait déjà fait la conversion temps péruvien / temps gringo…
Le camping est tout aussi rudimentaire que celui de la veille. Il n’y a toujours pas d’eau chaude (donc toujours pas de douche, nous ne sommes pas suicidaires) et cette fois nous ne pouvons pas faire la cuisine au même endroit que nos hôtes. Il est 14h, nous nous préparons deux gros sandwichs à l’avocat et installons la tente face à la vallée. Le réveil devrait être sympa. Malheureusement je suis malade et je passe le reste de la journée à dormir. Si près du but, nous sommes bloqués au camping. C’est vraiment une super après-midi ! Louis-Alban se repose aussi et la nuit tombée décide de faire cuire le riz pour le dîner. Imaginez L-A allongé à côté de la tente, éclairé seulement par sa frontale, en train de lutter contre le vent et la bruine qui font vaciller la flamme d’un réchaud minuscule… Quelle victoire lorsque l’eau commence à bouillir ! Quelle déception lorsqu’il se rend compte que le riz doit cuire au moins 45 minutes…
Le lendemain direction les ruines ! Il y a en un peu partout autour du campement et les archéologues n’ont pour l’instant débroussaillé que 40 % de l’ensemble du site. Nous décidons de visiter celles situées au-dessus de nous. Celles situées en dessous nous intéressent moins car ce sont des terrasses et cela veut dire descendre pour remonter ensuite. Mentalement on trouve ça moins sexy que monter pour redescendre. Nous marchons une grosse demi-heure pour arriver sur le site qui surplombe la vallée. Pourquoi les incas sont-ils allés construire des villages aussi loin et haut ? Aucune des raisons données par les guides ne nous conviennent. Le choix d’implanter un village et des cultures en terrasse à cet endroit ne peut résulter que d’une folie collective ! Le site n’en reste pas moins époustouflant. Les maisons sont excessivement bien conservées et on imagine aisément les petits incas évoluer dans cet environnement. Comme pour le Machu Picchu, les espagnols n’ont jamais trouvé le site du Choquequirao. Quelle bande de flemmards ces conquistadors ! A leur décharge les incas avaient détruit les accès au site.
Il est déjà temps de repartir. Nous avons prévu de redescendre une montagne et de monter une partie d’une autre le jour-même. Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais je pense que l’on ne se rendait pas bien compte de l’effort à fournir en 4 jours. Nous retournons au camping, remballons notre maison et repartons en sens inverse. La première portion jusqu’au village de Marampata est tout aussi difficile que la veille mais passe plus rapidement. C’est l’avantage de prendre un chemin déjà connu ! Arrivés au village, nous déjeunons (de la polenta faute de temps) et prenons une décision capitale pour la fin de la randonnée : nous allons louer les services d’un cavalier pour porter nos sacs. Nous reprenons la route repus mais allégés de nos fardeaux. La fine pluie qui nous accompagne nous fait du bien ! La première montagne est descendue en 2 heures environ. Le moral est bon surtout lorsque l’on croise des randonneurs en sens inverse ! Nous retraversons le pont brinquebalant et commençons l’ascension de la deuxième montagne. En chemin nous croisons un vieux monsieur qui est parti il y a quelques heures du col de Capulyioc et qui compte arriver au Choquequirao dans la soirée… Tous les gens que l’on rencontre sont vraiment très accueillants, gentils et authentiques mais ils devraient arrêter de dire où ils vont et en combien de temps !
Nous arrivons dans la nuit à notre camping du jour. Le cavalier a déjà installé notre tente, quel luxe ! Et quelle chance car un orage se déchaîne peu après notre arrivée. Nous fêtons cette dernière soirée avec de la bière et des crackers et pas de riz ce soir-là. Nous achetons des nouilles instantanées ! Vers 19h un groupe arrive au campement. Ils sont partis il y a moins de deux heures et comptent arriver vers 22h au Choquequirao. Ça me paraît très prétentieux et dangereux mais lorsqu’ils m’apprennent qu’ils sont archéologues, je comprends. Ils commencent leur cycle d’un an sur le site car il n’est pas possible de rentrer chez soi le weekend quand on travaille au Choquequirao. Pas étonnant ! La nuit est agitée. La tente montre des signes de faiblesse en termes d’imperméabilité. Louis-Alban passe une bonne partie de la nuit à déplacer les affaires qui touchent les parois trempées de notre maison.
Nous n’avons plus grand chose à manger pour notre dernier petit-déjeuner. Nous avalons une barre de céréale et partons pour 4 heures de montée vers le col de Capulyioc notre point de départ. Le soleil tape de plus en plus fort et le chemin n’est pas abrité mais l’absence de nuages nous permet d’apprécier un paysage différent de celui du premier jour. Nous jouissons d’une vue imprenable sur les sommets enneigés qui nous entourent. Malheureusement la barre de céréale est vite assimilée et nous avons rapidement très faim. Nous croisons des élèves qui courent en sens inverse et une fois le troupeau passé nous rencontrons leurs professeurs qui semblent moins enjoués par cette sortie de classe. L’une d’entre eux entame une discussion avec Louis-Alban et je les rejoints juste au moment où, sans que nous lui ayons demandé, elle nous offre un paquet de gâteau que nous nous empressons de dévorer après l’avoir mille fois remerciée ! Malgré ça la fin du trek est excessivement difficile. Le soleil est au zénith et nous n’avons pas l’impression d’avancer. Mais, toujours un pas après l’autre, nous arrivons à destination. Quelle joie ! Nous sommes épuisés mais tellement heureux d’avoir fait ce trek difficile et d’avoir vu ces ruines. La seule chose que l’on aurait changé c’est la durée. On aurait du faire cette randonnée en 5 jours au lieu de 4 pour avoir le temps de vraiment profiter du site.
En tout cas, vivement le prochain…!
One response to “Le trek épique du Choquequirao”
Bravo! C’est une préparation digne des Forces Spéciales!
Nous vous embrassons
Anne et Alain