L’héritage espagnol de la Bolivie


Nous remontons la Bolivie en nous arrêtant dans 3 villes à forte empreinte coloniale. Potosi d’abord, une cité fondée en 1545 par les espagnols pour exploiter la mine d’argent adjacente. Puis Sucre, la capitale constitutionnelle du pays fondée en 1538. Enfin, Cochabamba qui abrite la plus grande statue du Christ d’Amérique du Sud. Oui, plus grande que celle édifiée à Rio de Janeiro. Mais bien moins connue !

Potosi

“Potosiiii, Potosiiii, Potosiiii, …” Tiens, on a l’impression d’avoir déjà vécu ce moment. En Bolivie aussi on annonce les bus en hurlant la destination dans la rue ! Doux souvenir du Népal !

Nous ne passons qu’une nuit à Potosi. La ville se trouve à plus de 4000 mètres d’altitude mais, grâce à la coca que nous mâchonnons maintenant comme des pros, nous sommes comme des poissons dans l’eau. La cité est très jolie, colorée et les rues sont bordées d’immeubles datant de l’époque coloniale. Uyuni nous apparaît désormais bien moins charmante mais nous continuerons de l’apprécier comme notre porte d’entrée dans le pays. Nous nous rendons au marché, bien sûr, où nous achetons de quoi nous concocter un bon dîner. C’est tellement agréable d’avoir une cuisine à disposition !

Le lendemain nous visitons le musée de la monnaie qui relate l’histoire de la ville depuis sa création jusqu’à nos jours. Durant près de 100 ans, Potosi a fourni à la couronne espagnole l’argent qui lui a permis d’exister, mener des guerres et de considérablement développer l’économie du pays. Les mineurs disent aujourd’hui qu’avec tout le métal extrait depuis le début de l’exploitation on pourrait construire un pont en argent qui traverserait l’Atlantique pour rejoindre l’Espagne. Ils ajoutent qu’un deuxième pont pourrait être construit avec les corps de tous les esclaves qui ont travaillé et sont morts dans la mine et pendant la fabrication des pièces d’argent. Le musée est excessivement intéressant et bien fait. Nous apprenons même que le signe $ vient de la juxtaposition des lettres PTS pour Potosi. La ville a rayonné dans le monde, plus particulièrement dans le monde financier, pendant des décennies.

Nous explorons aussi la cathédrale et montons dans le campanile qui offre une belle vue sur les cloches, la ville et la montagne. La place principale est le théâtre de réjouissances en tout genre, des écoliers défilent dans les rues et de la pop anglaise s’échappe d’enceintes placées devant les écoles. C’est tout le temps la fête en Bolivie !

Pendant que Louis-Alban passe quelques heures dans la mine, j’arpente le marché, “discute” avec des commerçants et me promène en espérant qu’aucun éboulement n’ait lieu dans la montagne pendant les prochaines heures !

Le point mine par L-A

Je décide de visiter la célèbre mine de Potosi via un tour proposé par l’auberge. On vient me chercher de bon matin direction l’agence pour préparer l’excursion. Je patiente une vingtaine de minutes sans trop comprendre pourquoi, puis on nous embarque, un couple Bolivien et moi, dans un van direction l’inconnu. La voiture s’arrête devant une porte et nous pénétrons dans une cours où sèchent des combinaisons de mineurs rouges. C’est donc ici que l’on nous donne l’équipement réglementaire du bon mineur. Armé d’une combinaison rouge, de bottes, d’un casque et d’une lampe frontale, je remonte dans le van. Ce dernier s’arrête quelques minutes plus tard dans le quartier des mineurs. Nous nous rendons dans une boutique où j’achète de la coca, des gâteaux et boissons, de l’alcool à 89° et de la dynamite. Oui, la dynamite est en vente libre à Potosi.

Tous ces achats seront des cadeaux offerts aux mineurs que nous croiserons dans la mine. Car oui, la mine de Potosi est toujours exploitée aujourd’hui. Il y a environ 4300 mineurs organisés en 32 coopératives.

Noter guide, ancien mineur, fait son show et nous montre comment “mastiquer” la coca, nous explique comment utiliser la dynamite et le détonateur puis nous fait boire l’alcool à la santé de la Pachamama (la déesse mère nature). Je lui demande s’il ne s’est pas trompé et si l’alcool ne sert pas plutôt à nettoyer le sol. Il me confirme que non. Ok, je bois.

Une fois ces explications passées, nous rejoignons enfin la mine. Devant l’entrée, notre guide jette quelques poignées de feuilles de coca et verse quelques gouttes d’alcool sur le sol pour demander à la Pachamama et à Tio, le dieu de la mine, de bien vouloir nous laisser y entrer, et surtout nous permettre d’en ressortir. La prière se termine par une petite rasade d’alcool.

Les prières terminées et la lampe frontale allumée, nous pénétrons dans la mine. L’entrée est plus que périlleuse et au bout de quelques mètres, plus un seul rayon de soleil n’est visible. J’avance le dos courbé et me faufile à travers la roche, les fils électriques et les gaines d’aération. L’air est chargé de poussière et il est difficile de respirer. La mine est tout de même située à plus de 4000m d’altitude.  Nous évoluons dans les méandres souterrains dans un noir total. Nous croisons quelques mineurs poussant des chariots plein de minerais, d’autres actionnant des montes charges, et d’autres faisant exploser la roche à coup de dynamite. C’est ainsi que nous rencontrons Santos. Je lui donne mon stock de gâteau, coca, alcool et dynamite. Il nous propose d’ailleurs de faire exploser de la dynamite. Qu’à cela ne tienne mon bon Santos ! Il prépare le bâton, installe une mèche de deux minutes, enfonce le tout dans la roche, allume la mèche et nous hurle de nous mettre à l’abri. Je pense qu’il n’a pas bien réglé sa mèche car bien moins de deux minutes après on entend l’explosion : beaucoup de bruit, beaucoup de poussière et le sentiment très agréable d’être encore vivant !

On grimpe, on se faufile, on rampe et on finit par tomber sur une statue qui représenterait à merveille le diable rouge. Il s’agit de Tio, le dieu de la mine. Son nom vient de l’époque coloniale. Lorsque les espagnols ont découvert la mine au 16ème siècle (grâce à un autochtone qui a vendu la mèche…) ils ne sont pas allés l’exploiter eux même. Ils y ont envoyé les autochtones et même des esclaves africains. Mais les premiers refusaient de travailler dans la mine car pour eux la montagne était sacrée. Les conquistadors ont donc placé une statue à l’intérieur de la mine en leur expliquant qu’il s’agissait du dieu de la mine et qu’ils devaient travailler pour ne pas le fâcher. Dieu se dit dios en espagnol. La lettre D n’existant pas en Quechua, les locaux ont appelé le dieu de la mine Tio.

Nous nous retrouvons donc devant Tio et devons lui faire des offrandes pour la santé des mineurs et pour qu’il nous laisse ressortir de la mine (vivants). On dépose d’abord de la coca sur ses deux genoux pour qu’il nous assure d’être toujours bien stables et de ne pas avoir d’accident dans la mine, ensuite sur ses deux pieds pour ne pas que le sol s’écroule, puis sur le pénis pour que Tio et la Pachamama s’accouplent et que de leur union naissent beaucoup de filons d’argent. On recommence le processus avec de l’alcool et on termine par une rasade !

On a croisé plusieurs statues dans la mine, je ne sais pas combien de rasade d’alcool le guide a bu, ni moi d’ailleurs, mais lui avait l’air plutôt bien habitué.

Nous nous arrêtons ensuite devant un filon d’argent. Nous éteignons nos lampes et le guide allume un briquet qu’il rapproche du filon d’argent qui se met alors à briller dans le noir. C’est ainsi que l’on recherchait l’argent à l’époque coloniale (sans le briquet évidemment). On mesure l’horreur et la complexité de la tâche et on comprend encore mieux le travail des mineurs d’aujourd’hui qui s’échinent 8, 10, 12, voire 16h par jour sans rien manger à part de la coca.

Nous rebroussons chemin et retrouvons l’air libre et le soleil. Ces quelques heures dans la mine m’auront paru une éternité. Je suis content de ne pas avoir eu à travailler dans une mine comme certaines personnes de ma famille…

Sucre

Aussi connue sous le nom de Cité Blanche, Sucre dispose d’un climat très agréable. Il y fait toute l’année entre 20 et 25 degrés. Il ne nous en faut pas plus pour décider d’y passer plusieurs jours. Surtout que nous logeons dans un très chouette airbnb recommandé par les p’tits suisses du salar d’Uyuni. Nous commençons notre séjour par un cours de cuisine. Le propriétaire de notre logement est passionné de cuisine et propose d’initier ses hôtes à la gastronomie bolivienne. Il a tout appris grâce à la chola (nom donné aux boliviennes qui portent l’habit traditionnel) qui cuisinait à l’orphelinat dans lequel il a été élevé. Son histoire est poignante mais nous ne comprenons pas tout… Le plat que nous apprenons est la version bolivienne des papas à la huancaina péruviennes. Nous utilisons plusieurs sortes de pommes de terre (il y en a des plusieurs centaines de variétés en Bolivie). Elles sont de couleurs et de goût bien distincts. La recette est longue mais le résultat est délicieux !

Nous commençons notre deuxième journée en assistant à la messe donnée dans la cathédrale. Il y a beaucoup moins de ferveur qu’au Myanmar mais cela nous permet quand même d’entrer un peu plus en contact avec les locaux. Puis, nous suivons une visite guidée de la Casa de la Libertad où nous ne comprenons quasiment rien du français de la guide. Après avoir déjeuné au marché, nous passons l’après-midi à lire au soleil sur la place principale. On a le temps d’admirer les batailles entre les perroquets et les pigeons, ces derniers semblant avoir une peur bleue des belles perruches vertes qui viennent les déloger de leurs branches.

Le troisième jour est plus rempli. Nous visitons l’excellent musée du textile, découvrons un nouveau marché où la nourriture est meilleure qu’au marché central puis nous nous rendons dans un couvent surplombant la ville. La visite dure 30 minutes et pas une de plus. La guide, obligatoire, éteint les lumières des salles qu’elle nous fait visiter à une vitesse éclair. C’est bien dommage !

Encore des musées le lendemain: momies, peinture religieuse et poteries rythment la journée. Il est malheureusement le temps de partir. Sucre aura constitué une étape agréable et reposante dans notre périple bolivien.

Cochabamba

Le trajet en bus de nuit pour rejoindre Cochabamba est compliqué. Il débute au son de gangnam style, chanson horrible émise par le jouet d’une petite fille assise juste devant nous. Elle appuie compulsivement sur le bouton de son automate. Ça commence mal. La climatisation ne fonctionne pas, tout le bus est en nage. On roule les fenêtres grandes ouvertes puis vers minuit le bus s’arrête au bord de la route et les chauffeurs bricolent on ne sait quoi pendant une bonne heure. On repart, il fait super froid avec toutes les fenêtres ouvertes. On se réveille pour les fermer. On arrive épuisés à 6h du matin à Cochabamba !

Après une petite sieste réparatrice à l’auberge, nous partons à l’ascension de la montagne sur laquelle se trouve la statue du Christ rédempteur qui surplombe la ville. L’ascension se fait assez facilement en téléphérique. Les guides et les panneaux situés à flanc de montagnes déconseillent fortement de monter à pieds sous peine d’être détroussé par des bandes de voyous. On ne tente pas le diable et on est de toute manière trop fatigués pour monter les centaines de marches !

La statue est… grande. Nous jouissons d’une belle vue sur la ville et ses environs puis reprenons rapidement le téléphérique en sens inverse. Avant de visiter un nouveau musée d’archéologie nous déjeunons au marché. L’endroit est très propre et le completo (menu du jour) très bon, un bon point pour la ville ! Nous continuons ensuite notre balade dans la ville, nous nous perdons dans un autre marché, le plus grand de Bolivie, esquissons un sourire dans la cathédrale devant la réplique de la grotte dans laquelle Bernadette Soubirou a vu la Vierge à Lourdes et rentrons tranquillement à l’auberge pour dîner.

Départ le lendemain matin pour La Paz. Nous n’avons pas réservé de ticket de bus mais, en arrivant à la station, on nous tombe dessus pour nous vendre un billet pour rien du tout car, pour finir de remplir le prochain bus qui part, les prix sont bradés ! C’est parfait pour nous. En route pour la capitale la plus haute du monde !

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