La mystérieuse île de Pâques


Nous voilà en Amérique du Sud ! Encore un nouveau continent ! Enfin, pas vraiment. Si l’île de Pâques appartient au Chili, elle est tellement perdue au milieu du Pacifique que les pascuans ne se sentent pas tellement chiliens. La culture polynésienne est encore très présente.

En langue pascuan l’île de Pâques est Rapa Nui. C’est l’une des îles habitées les plus isolées du monde et un endroit mystérieux peuplé d’immenses statues en pierre. Nous arrivons sur ce petit bout de terre le 28 août sous un grand soleil.

Federico Gonzalo nous attend à la sortie de l’aéroport avec deux colliers de fleurs. On va finir par s’habituer à ces agréables accueils polynésiens ! Gonzalo est le propriétaire de la maison dans laquelle nous allons passer les 4 prochains jours. Il est inspecteur de police à Rapa Nui. On se sent tout de suite en sécurité ! Sa maison est comme ce que nous pouvions imaginer d’une maison sud-américaine. Des murs en crépit blanc, du bois, des couleurs ocres et beiges, un mobilier rustique et des dessins tribaux un peu partout. C’est parfait pour notre immersion dans la culture pascuane. En plus c’est propre. Nous trouvons tout cela luxueux et bien agréable par rapport à notre hébergement précédent.

Le dialogue n’est pas très facile et heureusement que Louis-Alban se débrouille en espagnol car je n’en parle pas un mot et Gonzalo ne connaît pas bien l’anglais. En prévision de nos 3 mois en Amérique du Sud, je prends quand même des cours depuis quelques jours par le biais d’une appli sur mon téléphone. Pour notre grand bonheur, notre hôte est l’heureux propriétaire d’un chiot de deux mois depuis la veille ! Il n’a pas encore de nom et nous sommes donc chargés de lui en trouver un.

Les 5h de décalage horaire et le départ à 3h du matin nous ont cassés. Nous ne sortons visiter la ville qu’après la désormais traditionnelle sieste. Comment va-t-on faire en rentrant de voyage pour allier sieste et travail ?!

Hanga Roa est la seule ville de l’île. Elle s’étire autour d’un joli port où quelques surfeurs tentent de dompter de petites vagues et des pêcheurs rentrent leurs bateaux. Nous déambulons dans les rues paisibles. La ville est plutôt un village où la vie semble s’écouler doucement.

Nous allons admirer le coucher de soleil à Ahu Tahai où nous faisons connaissance avec les Mohaïs, ces grandes statues typiques de l’île. Ahu est le nom des autels sur lesquels elles sont dressées. C’est très impressionnant d’être ici ! Et ces statues sont énormes ! Le mystère qui entoure leur transport depuis la carrière où elles sont sculptées reste à ce jour encore entier.

Amérique du Sud oblige, notre premier dîner est constitué d’empanadas et de pisco sour dans un restaurant recommandé par Gonzalo. Le pisco sour est un cocktail typique du Chili qui s’en dispute la paternité avec le Pérou. Nous on se moque bien de savoir qui a créé le premier cette boisson, l’important c’est qu’elle est vraiment bonne ! Et un peu forte : l’alcool de pisco titrant entre 30 et 40 degrés, il ne faut pas plus de deux cocktails pour que nous rentrions hilares à la maison. Toujours ce problème de résistance à l’alcool… !

Nous nous couchons complètement cuits dans un lit douillet entourés du chant des coqs, des aboiements des chiens et du roulis des vagues qui ne s’arrêteront pas de toute la nuit !

Réveil tardif le lendemain. Malgré nos multiples alarmes, impossible de nous lever. Nous accusons le coup du voyage. Cela nous permet tout de même de croiser par hasard Gonzalo qui arrive en voiture au moment où nous partons. Il a malheureusement eu un accident la veille et s’étant fait mal au dos il ne peut plus monter l’escalier qui amène à sa chambre. Il nous laisse donc maîtres de chez lui pour les jours qui arrivent pendant qu’il se rétablira chez un ami. Nous voici propriétaires d’une charmante maison sur l’île de Pâques !

La randonnée du jour sera autour d’un des volcans de l’île. Rapa Nui est une île de forme triangulaire dont chaque extrémité comprend un volcan dont les éruptions ont permis à ce petit bout de terre d’exister. Nous nous dirigeons vers le volcan Rano Kau sous un beau soleil (encore une bonne idée pour une randonnée qui nous fait monter une bonne centaine de mètres de dénivelé). Nous arrivons transpirants au bord de l’immense cratère. Il est au bord de l’océan ce qui rend le panorama encore plus impressionnant. Nous visitons ensuite Orongo, un village traditionnel où les pascuans venaient mettre en pratique le culte de l’homme oiseau. Pour rendre hommage au dieu Makemake, une divinité à la forme d’oiseau, les pascuans organisaient chaque année une compétition depuis le village d’Orongo situé à flanc de falaise entre le volcan et l’océan Pacifique. Des hommes descendaient la falaise à mains nues pour rejoindre à la nage un motu (îlot) situé en contrebas afin d’y attendre l’arrivée des Manutara (des sortes de mouettes) venus pour la ponte. Le but de la compétition était de ramasser le premier un œuf pondu et de le ramener à Orongo après avoir fait le chemin inverse à la nage au milieu des requins. Le premier qui réussissait ce challenge était élu homme oiseau, appelé Tangata Manu, et bénéficiait pendant un an d’un statut de quasi-dieu. On lui rasait sourcils et cheveux, lui peignait la tête en rouge et il devait vivre reclus pendant l’année à venir sans que personne n’ait le droit de le toucher. Pas très drôle la vie de demi-dieu. Une seule personne avait le privilège de le toucher et s’occupait de sa toilette qu’il ne pouvait pas faire seul. Ce statut apportait tout de même certains privilèges à sa tribu.

Il semble que le village n’était habité que pendant la période de compétition. On y préparait les hommes quelques temps avant qu’ils partent et on attendait leur retour. L’entrée des maisons est minuscule ce qui nous laisse pensifs quant à la taille des habitants de l’île à cette époque !

Bien sûr nous avons commencé à l’envers car le culte de l’homme oiseau semble être apparu après celui des Mohaïs (certains pensent toutefois qu’ils étaient contemporains). Qu’à cela ne tienne les jours suivants seront consacrés à ce premier rite.

En revenant vers Hanga Roa nous longeons des côtes escarpées sur lesquelles de puissantes vagues viennent s’écraser. Il n’y a pas de barrières de corail comme en Polynésie française et l’île est à la merci de la houle. Nous découvrons des piscines naturelles dans lesquelles des pascuans viennent finir la journée, des grottes au bord de la mer avec quelques pétroglyphes, un nouveau port dans lequel des chevaux se rafraîchissent et contemplons le coucher de soleil à la terrasse d’un restaurant en dégustant notre premier ceviche accompagné bien sûr d’un bon pisco sour !

En passant devant l’église sur le chemin du retour, juste avant que les 9 coups de 21 heures ne soient sonnés, nous avons le droit à une superbe interprétation du Ave Maria à la cloche. Ça résonne dans tout le village et s’ajoute à l’atmosphère calme et mystérieuse qui règne.

Changement de moyen de transport le lendemain. Après plusieurs mois à rouler en vieux scooter, Louis-Alban craque et décide de louer une moto pour affronter le mauvais état des routes de l’île. C’est le plus heureux des hommes sur sa moto-cross et j’avoue que le chemin est beaucoup plus agréable pour moi aussi.

La visite du jour, sur la côte ouest de l’île, est composée de différents lieux où nous observons des Mohaïs et des grottes. Ces grottes, formées naturellement par la lave, servaient de refuge aux pascuans en période de guerre ou lors de violents intempéries. Le chemin ne peut se faire qu’à pied et nous marchons plusieurs kilomètres entre vaches et chevaux qui paissent paisiblement en liberté.

Il est d’ailleurs important de parler de la liberté des animaux sur l’île de pâques ! Les chevaux se baladent tranquillement dans Hanga Roa, en groupe, sans se soucier des voitures ou des piétons. Au début c’est impressionnant, surtout lorsqu’ils se donnent des coups de sabots en hennissant à quelques mètres de nous ! Et puis on finit par s’habituer aux dizaines d’animaux que l’on croise chaque jour et on passe tranquillement entre les troupeaux.

Les chiens sont aussi une importante communauté de l’île ! Il y en a partout. Pour vous donner une idée, nous avons pu croiser un jour presque 30 chiens en 30 minutes ! Ils ne sont absolument pas méchants et auraient au contraire tendance à être un peu trop collants. Les habitants de l’île leur laissent eau et nourriture à disposition dans la rue ce qui fait qu’ils ne sont pas agressifs. Par contre ils cherchent constamment des caresses ! Nous héritons de quelques chiens pendant plusieurs heures pendant notre séjour. C’est comme s’ils se disaient : tiens je vais aller vers ces humains, ils ont l’air sympa, je vais les suivre toute l’après-midi où qu’ils aillent… !

Direction ensuite Ahu Akivi, un autel sur lequel 7 Mohaïs font face à la mer. Cette orientation est unique sur l’île car partout ailleurs les Mohaïs tournent le dos à l’océan. Cette singularité est le résultat d’observations astronomiques précises : les statues sont orientées de telle sorte qu’elles font parfaitement face au soleil lors de l’équinoxe de printemps austral et leur dos fait face au soleil lors de l’équinoxe d’automne. Ces 7 statues représentent les sept premiers explorateurs envoyés sur l’île par le roi Hotu Matu’a avant sa colonisation.

Nous nous rendons ensuite à Puna Pau, une carrière située à flanc de volcan où les pascuans réalisaient les Pukao, les chapeaux rouges qui coiffent la tête de certains Mohaïs. La fabrication et le transport de ces couvre-chefs sont tout aussi impressionnants que celles des statues elles-mêmes car ils peuvent peser jusqu’à 10 tonnes.

Sur la côte est, à Hanga Te’e et Akahanga, nous regardons tristement des Mohaïs tombés de leur socle. La chute est due soit à des événements météorologiques tels que des tsunamis (…) soit ce sont les pascuans eux-mêmes qui, se dévouant au culte de l’homme oiseau, ont renversé les statues dont la réalisation a pourtant dû leur demander de terribles efforts !

Le soleil se couche vers 20h et il se lève après 8h à Rapa Nui. Ce sont les plus longues nuits que nous ayons eu depuis le début du voyage. Se lever pour contempler le lever de soleil ne nous demande donc pas d’effort particulier ! Nous ouvrons les yeux comme des fleurs à 6h50 le lendemain pour nous rendre au site de Tongariki. Si la difficulté à sortir du lit est proportionnelle à la beauté du lever du soleil, vous imaginerez que celui que nous regardons ce matin-là ne fut pas le plus beau. Le soleil n’a tout simplement pas daigné sortir des nuages !

Cela n’a pourtant pas gâché le moment. Le site de Tongariki est tellement impressionnant que soleil ou pas nous avons été ébahis par la majesté des quinze statues alignées au bord de l’eau.

Autre temps fort de la découverte de l’île, nous nous rendons ensuite à Rano Raraku, la carrière où les statues étaient taillées. Encore une fois, nous sommes surpris par le mystère entourant cette période de la culture pascuane. Des dizaines de têtes de Mohaïs plantées dans le sol ou renversées par terre sont disséminées çà et là sur les pans de la montagne. On raconte qu’en attendant d’être acheminés vers leur autel les Mohaïs étaient enfouis dans la terre. Le corps des têtes que l’on voit sortir est donc simplement enfoui en attendant un transport qui ne viendra plus jamais.

La taille des statues se faisait directement dans la roche. On taillait le corps en laissant le dos solidaire de la montagne. Une fois le visage fini, on désolidarisait le Mohaï pour le transporter jusqu’à son autel. Certaines statues que l’on voit sont encore attachées à la montagne et elles sont incroyablement grandes… C’est encore plus impressionnant quand on apprend qu’il n’y avait pas de métaux sur l’île à cette époque et que la sculpture se faisait uniquement avec des pierres.

On prend toute la mesure de l’effort qu’on dû fournir les pascuans pour transporter ensuite ces édifices qui, en moyenne, pesaient 12,5 tonnes et mesuraient 4,05 mètres. Quoique… certains disent que les chefs des tribus faisaient voler les statues depuis la carrière jusqu’à leur autel. Si ça se trouve tout cela n’était qu’une partie de plaisir pour eux !

On a aussi parfois l’impression que les autochtones se sont dit un jour : “j’en ai marre de tailler des statues énormes et de les transporter, je laisse tomber, je vais vénérer l’homme oiseau”. Et qu’ils ont tout laissé en plan.

Après un bon empanada pour le déjeuner, nous passons l’après-midi à Anakena, la seule plage de sable blanc de l’île et aussi l’endroit où les premières traces d’hommes ont été retrouvées. L’eau est bien moins chaude qu’en Polynésie mais nous nous y jetons quand même au milieu des pascuans pour qui la température n’a pas l’air d’être un problème !

Nous finissons la journée avec d’autres sites de pétroglyphes et de Mohaïs puis dînons tranquillement à la maison, sans pisco sour…

Impression

Nous serions bien restés plus longtemps à Rapa Nui. Nous avions beaucoup lu d’articles disant que 2 ou 3 jours suffisaient à visiter l’île. Pourtant nous aurions aimé doubler nos 4 jours sur place car nous n’avons pas eu le temps de voir deux endroits, ni de faire du surf ! Nous ne pouvions malheureusement pas prolonger car on ne part pas si facilement de l’île. Il ne suffit pas de prendre un bus réservé le matin même ! Il n’y a que quelques vols par semaine pour Santiago et nous avions réservé le nôtre depuis longtemps. Si vous prévoyez d’y aller, n’hésitez pas à rester une semaine pour prendre le temps de vous imprégner de la culture pascuane et vous balader dans cette île si agréable. En plus elle à vocation à disparaître car elle glisse sous les plaques terrestres. Mais vous avez encore un peu de temps …!

Les habitants sont bienveillants et souriants. Certains pêcheurs ressemblent pourtant à des pirates surtout quand ils mangent à pleines mains des poissons crus entiers devant leurs étals disséminés çà et là dans la rue.

Nous regrettons aussi de ne pas avoir eu la chance de mieux connaître notre hôte. Des dizaines de trophées de compétition de va’a, ces petites embarcations typiques de Polynésie, aux diplômes d’inspecteur accrochés aux murs en passant par les photos le représentant en habit traditionnel pascuan, il semble que Gonzalo aurait pu nous en apprendre encore plus sur son île et sa culture.

Mais pas sur car vu notre niveau d’espagnol le dialogue aurait peut-être été très difficile. Pour preuve, Gonzalo nous a chargés en début de séjour de trouver un nom à sa chienne. Nous nous creusons la tête pour trouver un prénom féminin et finissons par opter pour Mila, le féminin de Milou en référence à l’album de Tintin dont l’intrigue se passe sur l’île. Lorsque, très fiers de nous, nous partageons ce prénom avec Gonzalo, il nous regarde bizarrement et nous indique que ce chiot est un mâle et pas une femelle. Nous avions donc compris l’inverse et n’avons même pas été étonnés de l’anatomie de l’animal… Il va falloir faire des progrès !

PS: La casa de Gonzalo

île de Pâques : 28 août au 1er septembre

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One response to “La mystérieuse île de Pâques”

  1. Ben Isabelle, enfin? Où êtes vous?
    (5 points à qui comprendra la blague)

    Diane et Alban, je vous donne 10 points pour Mila!

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