Nous sommes à la gare routière de Pokhara et un népalais remonté comme une toupie, bonnet rouge vissé sur la tête et yeux injectés de sang hurle le nom de notre destination en continu depuis presque 1 heure.
Cela fait deux jours que nous sommes arrivés à Pokhara, point de départ des treks pour l’Annapurna. C’est une ville très agréable située au bord d’un lac. Nous l’avons rejointe après 7 heures de bus depuis Katmandou et avons bien apprécié nous retrouver au calme. Nous partons en pleine forme pour notre trek.
Levés aux aurores, nous attendons donc notre bus pour … Beni et le népalais qui hurle est en charge du bus pour … Beni. Ayant compris que c’était notre destination, il nous a pris en charge et ne s’éloigne pas trop de nous au cas où nous aurions la mauvaise idée de vouloir partir sans le bus.
Le bus pour Beni arrive enfin. Notre ami annonceur de bus nous pousse dedans. Je me dis qu’il va rester à la gare routière pour annoncer le prochain bus mais non, pas de bol, c’est lui qui est chargé pendant tout le trajet de hurler la destination dès que le bus entre dans un village ou qu’il croise des personnes au bord de la route.
Le trajet dure 4 heures qui passent plutôt rapidement. Nous sommes les seuls touristes et finissons comme d’habitude entassés les uns sur les autres.
Jour 1 – vers Banshkarka
L’ascension débute avec des marches, des centaines de marches, à flanc de montagne, sous un soleil de plomb… pas facile!
Après presque 3 heures de marche nous arrivons à Banshkarka, notre première destination. C’est un petit village situé à 1500 mètres d’altitude.
Nous trouvons le lodge dans lequel nous allons passer la nuit et sommes accueillis par un couple très sympathique. L’homme parle un peu anglais, la femme ne connaît que quelques mots. Elle nous offre un délicieux thé au citron qui va devenir (à défaut de pouvoir se payer des bières) LA boisson de notre trek. Pendant que Louis-Alban prend une douche bien froide je tente de discuter avec notre hôtesse. Ayant noté les photos sur les murs de la véranda, je les pointe du doigt en disant “Family” ? “Children” ? Ça la fait sourire, elle en décroche quelques-unes et m’explique en nepali, avec quelques mots d’anglais, qui sont les personnes sur les photos. Une fois ces quelques photos commentées, elle sort son smartphone et j’ai le droit à la revue de l’intégralité de sa galerie de photos, des vidéos de ses petits-enfants à la maternité, la récolte des oranges, les photomontages de tous les membres de sa famille etc… ! C’est un geste universel !
Après avoir pris à mon tour une rapide douche froide, nous allons dîner au Community Dining Hall. C’est l’une des filles de nos hôtes qui cuisine et qui nous invite à nous asseoir dans la cuisine pendant qu’elle prépare notre dal bhat. Nous sommes rejoints par le comptable de l’école, parlons beaucoup de foot, Messi, le coup de boule de Zidane etc… avant de nous attabler devant un nouveau délicieux dal bhat !
Jour 2 – vers Nangi
Nous nous levons vers 6h30 et en sortant de la chambre, grosse surprise: le Daulaghiri est en face de nous !! C’est la première montagne que nous voyons ! Enfin ! La journée s’annonce bonne.
Nous engloutissons rapidement le petit-déjeuner, faisons nos adieux à nos sympathiques hôtes et partons pour Nangi. Le trajet débute à nouveau avec des marches, des centaines de marches toujours à flanc de montagne ! Mais il suffit de tourner la tête à gauche pour voir le Daulaghiri et on oublie les marches.
Au bout d’un moment le chemin devient plus agréable et nous marchons jusqu’à Dandakateri (2009 mètres d’altitude) où nous sommes attendus au Community dining hall pour le déjeuner.
Le temps est magnifique et après un bon déjeuner nous repartons pour notre destination finale. Sur le chemin Louis-Alban s’arrête pour enfin tester sa paille filtre dans un petit cours d’eau. Aucun intestin n’a été maltraité pendant l’opération, elle fonctionne ! Arrivés à Nangi (2320 mètres d’altitude) nous sommes accueillis au Community Lodge par plusieurs femmes qui tissent. Nous sommes toujours les seuls touristes et n’en avons d’ailleurs pas croisé d’autre pendant la journée.
Jour 3 – Vers Mohare Danda
La nuit est difficile mais vite oubliée le lendemain matin car nous voyons de nouvelles montagnes en sortant de la chambre et que notre petit-déjeuner est constitué de chapati au *peanut butter*. Nous démarrons la journée hyper motivés. Nous n’avons toujours pas de courbatures ni mal aux genoux.
Le chemin débute encore avec des marches. Au fur et à mesure de notre ascension nous nous arrêtons pour nous retourner et regarder les montagnes grandir derrière nous. C’est très impressionnant notamment car nous ne sommes pas habitués à voir des montagnes enneigées si près de nous alors que nous sommes en haute altitude, dans un environnement très vert. C’est aussi captivant car toutes ces montagnes ont des histoires, plus ou moins heureuses.
Pendant le trajet, nous avons parfois l’impression d’être en train de marcher dans les Pyrénées. Il suffit de faire un dézoom mental pour réaliser que nous sommes seuls depuis 3 jours, nous n’avons croisé aucun autre touriste, en plein milieu du Népal, plus proches que l’on ne l’a jamais été des plus hauts sommets de la Terre. C’est génial.
Le chemin est hyper beau, nous traversons une forêt dense, grimpons pendant presque 3 heures et vers 11h nous arrivons à Hampal Pass. C’est notre premier 3000 mètres !! Le paysage est magnifique, c’est une immense pleine recouverte d’une multitude de buissons dorés. Le contraste avec le ciel bleu est superbe, ça sent bon la chaleur, le bruit du vent est tout doux.
Nous continuons une petite heure de marche toujours dans de superbes paysages et arrivons à l’endroit où nous avons prévu de déjeuner: une cabane en bois au milieu de nulle part appelée Tiny Tea House. Affamés, nous commandons un fried rice et attendons au moins 45 minutes avant d’être servis. L’attente valait le coup, le plat est délicieux et je n’ai jamais vu des légumes coupés aussi finement… Je pense que le cuisinier s’embête tout seul dans sa cabane et qu’il s’entraîne à couper les légumes le plus finement possible quand il n’y a personne.
Après le déjeuner le chemin jusqu’à Mohare est très silencieux. Il n’y a parfois même pas un bruit d’oiseau et l’on entend juste le frottement de notre manteau sur notre sac et le crissement des feuilles sur nos pieds. Il fait de plus en plus froid et nous voyons les nuages se rapprocher de nous.
Nous arrivons finalement au Community Lodge de Mohare vers 14h30. Il est situé à 3320 mètres d’altitude. Nous nous installons, constatons qu’il y a un autre couple de touristes (les premiers que nous croisons!) et sombrons pour une sieste bien méritée. Je suis réveillée quelque temps après par un énorme orage de pluie et de grêle qui dure une bonne heure. La fenêtre de la chambre n’étant pas très bien isolée, nos rideaux bougent légèrement avec les bourrasques de vent. Il commence à faire vraiment froid !
Le soir nous discutons avec le couple et notre hôte autour du poêle. Un nouvel orage se déclare et comme nous sommes au sommet d’une montagne nous pouvons voir les éclairs autour de nous. C’est très impressionnant.
Le lendemain, nous nous réveillons aux aurores pour admirer le lever de soleil. C’est superbe. Les montagnes que nous n’avions pas bien vues la veille à cause des nuages sont majestueuses. On a l’impression qu’elles sont quasiment à nos pieds. C’est fou d’être arrivés jusque-là et de pouvoir admirer tout ça.
Jour 4 – Vers Swanta
Le début du chemin vers Swanta est superbe. Nous descendons entourés par les montagnes sous un magnifique ciel bleu. C’est captivant mais il faut faire attention où on met les pieds et, bien sûr, je finis par m’étaler dans une flaque de boue.
Nous passons encore par plusieurs paysages différents, dont une immense forêt de rhododendrons en floraison, avec les montagnes en toile de fond.
Nous finissons par nous perdre et sommes sauvés par deux népalais que nous suivons un petit moment (en courant car ils marchent hyper vite alors qu’ils portent chacun trois énormes pierres sur leur dos…) et qui nous ramènent sur le bon chemin. Nous continuons un peu notre descente, déjeunons dans un restaurant pas terrible, puis le chemin devient difficile, nous nous perdons à nouveau, traversons une rivière sur un rondin de bois et nous finissons la journée épuisés. Nous sommes en effet descendus à 2000 mètres d’altitude puis avons dû remonter jusqu’à 2214 mètres, sous un soleil de plomb, pour arriver à Swanta. Heureusement un hôtel nous a été recommandé et nous n’avons pas longtemps à chercher. Nous négocions une chambre avec une salle de bain privée et de l’eau chaude pour pas cher. Le bonheur !
Jour 5 – Vers Dhankarka
RAS, le chemin n’est vraiment pas agréable. Nous descendons beaucoup pour remonter encore plus et arrivons à Dhankarka épuisés (3026 mètres d’altitude). Le seul point positif est que nous arrivons une nouvelle fois avant les nuages.
Nous sommes encore seuls dans le Community Lodge. Il n’y a pas de lumière, notre hôte est très bon cuisinier mais complètement autiste. C’est comme si on n’existait pas ! Après l’avoir entendu jouer de la guitare, un semblant de dialogue se crée pendant 30 secondes, il prête sa guitare à Louis-Alban puis retourne jouer sur son téléphone. Le lodge n’ayant pas l’électricité, nous finissons la soirée à la bougie.
Jour 6 – Vers Khopra
Le trajet est rapide jusqu’à Khopra. Nous montons pendant environ 2 heures et arrivons au-dessus des nuages puis au Community Lodge où nous rendons compte que nous somme encore plus près qu’avant des montagnes !! C’est magnifique !!! Nous sommes à 3660 mètres d’altitude et ce sera le point culminant de notre trek.
Nous sommes encore une fois arrivés avant l’orage, la grêle et la pluie ce qui n’est pas le cas des autres touristes – une autrichienne avec un guide et trois jeunes suisses – qui arriveront au lodge pendant l’après-midi.
Nous passons une très bonne soirée tous ensemble autour du poêle dont le feu brûle grâce à des crottes de vaches séchées (note pour plus tard: ne pas oublier de garder des crottes de vache séchées pour faire du feu pour prévenir une éventuelle pénurie de bois). Dehors il fait environ -4 degrés. Cela n’empêchera pas l’un des trois garçons de dormir à la belle étoile pour tester son sac de couchage qui est censé aller jusqu’à -20 degrés.
Le lendemain matin, nous nous levons tôt et sortons pour regarder le lever de soleil. Le garçon qui a dormi dehors est heureusement toujours vivant et réveillé depuis plusieurs heures. Nous partageons ce moment tous ensembles puis repartons pour notre prochaine destination.
Jour 7 – Vers Bayeli
Le chemin officiel qui va de Khopra à Bayeli descend de 3660 mètres d’altitude jusqu’à 2200 mètres puis remonte jusqu’à 3437 mètres, altitude à laquelle est situé notre prochain lodge. Il est hors de question pour l’un et pour l’autre que nous empruntions ce chemin qui annonce une journée difficile. Après avoir reçu une vague approbation de nos hôtes de la veille, nous décidons plutôt de prendre le chemin non officiel qui nous fait longer plusieurs montagnes et descendre uniquement pour atteindre notre destination finale. Il est très bien indiqué sur la route par un sympathique ” NO WAY” peint sur un caillou.
Le chemin est à flanc de montagne et s’apparente plus à de l’escalade qu’à de la randonnée. De plus, certaines parties sont gelées. Mais au moins on ne redescend pas et finalement le trajet est assez agréable.
Nous arrivons à Bayeli encore une fois avant l’orage. Un couple d’anglais arrive ensuite avec deux guides, puis nos co-trekkeurs suisses débarquent après l’orage, en plein milieu de la nuit. Nous passons une nouvelle soirée très sympa autour du feu.
Jour 8 – Vers Tadapani
Nous continuons notre descente entamée la veille pour rejoindre Tadapani notre dernière escale avant de rentrer à Pokhara. Le début du chemin nous fait remonter jusqu’à 3600 mètres d’altitude puis nous descendons jusqu’à 2630 mètres, altitude à laquelle est située notre destination.
Le soir, l’hôtel est plein. Nous apprenons que même si nous sommes toujours en basse saison il y avait ce matin une centaine de personnes en train de regarder le lever de soleil à Poon Hill, l’un des points de vue panoramique de l’Annapurna parmi les plus connus (en haute saison c’est environ 300 personnes chaque jour). Et en plus Poon Hill, en comparaison avec Mohare Danda ou Khopra, c’est même pas haut ! Grosse fierté.
Jour 9 – Vers Pokhara
Le lendemain, nous descendons pendant 3 grosses heures jusqu’à Kimche (1640 mètres d’altitude) pour prendre un bus local destination Pokhara. Le trajet est le pire que nous ayons fait depuis que nous sommes au Népal. Il n’y a pas de route, juste des trous. Nous sommes à l’arrière du bus, pire place car la plupart des bus ont des amortisseurs en piteux état. Nos voisins de derrière éructent et crachent à travers la vitre toutes les deux minutes. La musique ne change pas pendant les 4 heures de bus. Bref, le trajet n’est pas agréable. Nous arrivons à Pokhara épuisés alors que nous n’avons quasiment pas marché.
Notre trek
En cherchant un itinéraire pour le trek Louis-Alban est tombé sur le site d’une agence de voyage proposant un trek alternatif passant par des endroits peu touristiques. L’idée et l’itinéraire nous ayant plu nous avons décidé de faire ce trek.
L’organisation n’a pas été simple car 1) le trek dispose d’une multitude de noms différents, 2) il peut se faire en passant par plusieurs endroits et 3) malgré de nombreuses heures passées sur des sites et des forums, nous n’avons trouvé quasiment aucune information sur le trajet précis et les hébergements … C’était mal parti…
Finalement grâce à un contact de Maman, nous avons rencontré un népalais travaillant dans une agence de trek qui nous a expliqué qu’effectivement ce trek n’est pas connu, qu’il est vraiment bien et pas trop dur et nous a donné le contact de l’un des créateurs du trek.
Le “Community Lodge trek” est un eco-trek créé il y a une dizaine d’années en liaison avec plusieurs villages népalais dans l’Annapurna. Un chemin a été tracé et des Community dining hall et des logements ont été construits dans plusieurs villages ou à des points stratégiques. L’idée est d’aider la communauté en venant dîner et loger dans ces endroits.
Nous avons dormi dans des Community Lodge aux endroits suivants: Bhanskarka, Nangi, Mohare Danda, Dhandakateri, Khopra et Bayeli.
Comme certains de ces villages ou endroits ne comprennent pas d’autres logements pour touristes que les Community Lodge, il convient de demander à Chitra Pun (l’un des créateurs du trek) de réserver les chambres pour être sûr d’avoir une place. N’ayant croisé quasiment personne pendant le trek nous aurions finalement pu nous passer de réservation.
Si vous êtes intéressés par ce trek que nous vous recommandons vivement, vous pourrez trouver des informations en cliquant sur les liens ci-dessous.
http://nepaltrek.wixsite.com/nepalcommunitytrek/route
http://www.medep.org.np/index.php?page=page&id=83
Il n’est pas nécessaire d’avoir un guide, les chemins sont plutôt bien indiqués et le trek peut se faire dans le sens inverse de celui que nous avons emprunté ou en passant dans d’autres villages.
Impressions
C’était génial et magnifique. Nous nous sommes émerveillés chaque jour devant les paysages que nous traversions. Les derniers jours, pendant notre descente, ce fut un bonheur de croiser des touristes en sens inverse et de se dire que nous avions fait ce trek sans porteur ni guide. Les montagnes vont nous manquer mais nous avons bien marché, bien eu froid et peu dormi pendant 9 jours. Il était temps de faire un break!
Petit point fashion: j’ai troqué mon pantalon de pyjama noir contre un superbe pantalon de randonnée beige, coupe patte d’eph. Je fais donc maintenant partie du clan trekkeur même si je n’ai pas l’impression d’être dans la bonne tranche d’âge.
2 responses to “9 jours de trek dans le massif de l’Annapurna”
Ça y est vous êtes des treikeurs ! C est tellement magnifique de se réveiller le matin en regardant une montagne
Bravo pour cette belle marche, pour ces photos qui nous font rêver! Et qui nous donnent envie aussi, on ne va pas se mentir !
Belle perf les cocos !
On a assez mal démarré mais on va essayer de faire suivre votre voyage aux Tintins grâce à vos photos… peut être même qu’ ils feront des commentaires.
Gros baisers from Doha